Je crois que c’est la journée parfaite pour approcher une nouvelle fois un autre odonyme controversé. Au moment de publier ce texte, nous fêtons l’Action de grâce pendant que nos différents voisins au sud de la frontière eux fêtent « Columbus Day » et la « Dia de la raza » qui célèbre l’anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb dans les Amériques le 12 octobre 1492.
Le toponyme de Colomb
Une artère importante traversant une grande partie de la ville, jusqu’au boulevard Gouin, l’avenue Christophe-Colomb est d’abord désignée en 1897 et s’étire plus au sud avant d’être amputée à la rue Rachel pour être renommée rues du Parc-Lafontaine et Amherst (donc Atateken).
Mais voilà que depuis plusieurs années, la fête américaine offre son lot de controverses dû au traitement moins qu’élogieux qu’aurait réservé ce grand explorateur aux locaux à son arrivée en Amérique du Nord.
Comme nous sommes dans une période de réconciliation avec les premières nations, peut-être que Christophe n’a plus sa place dans la toponymie montréalaise.
Comme lire des textes jusqu’à la fin n’est pas à la mode ces temps-ci, je tiens à préciser rapidement que ceci n’est pas un appel à renommer l’avenue qui porte le nom de l’italien, mais plutôt un appel à la réflexion sur notre passé.
Plus de 500 ans après avoir « découvert » le Nouveau Monde, inaugurant des siècles d’exploration et de colonisation des Amériques, Christophe Colomb est toujours honoré avec des monuments et des toponymes partout sur le continent. Nous avons qu’à penser à la ville de Columbus dans l’état américain de l’Ohio .
Pendant ce temps, des historiens continuent à creuser dans la vie de Christophe Colomb avec des découvertes que le type n’était probablement pas une bonne personne à la base. La question se pose donc, devons-nous continuer à honorer le navigateur en héros?
Les controverses
Comme de nombreux explorateurs européens, l’explorateur qui, heureusement, ne semble pas avoir la même popularité ici qu’au États-Unis, rencontre des autochtones locaux tout au long de ses voyages. Ce qui offre principalement trois sources principales de controverse concernant ses interactions avec les peuples qu’il a qualifiés d’« Indiens »
L’usage de la violence et de l’esclavage, la conversion forcée des peuples autochtones au christianisme et l’introduction d’une multitude de nouvelles maladies qui auraient eu des effets dramatiques à long terme sur les premières nations de tout le continent américain, de la pointe sud du Chili au Grand Nord canadien.
Selon son propre journal de bord, lors de son premier jour dans le Nouveau Monde, Colomb ordonne la saisie de six des indigènes, écrivant que ceux-ci seraient de « bons serviteurs » durant leur visite.
Tout au long de ses années dans le Nouveau Monde, Colomb adopte des politiques d’ouvrage forcé dans lesquelles les autochtones sont mis au travail pour des raisons de profit. Plus tard, Colomb enverra des milliers de Taïnos de l’île d’Hispaniola vers l’Espagne pour être tout simplement vendu, plusieurs ne se rendront pas à destination.
Le mouvement actuel prend racine en 1977 quand une délégation de nations autochtones durant la Conférence internationale sur la discrimination contre les peuples autochtones dans les Amériques propose de renommer le jour férié en « Jour des peuples autochtones ».
Depuis 1991, des dizaines de villes et quelques États américains ont adopté la Journée des peuples autochtones, une fête qui célèbre l’histoire et les contributions des Amérindiens, plutôt que Colomb. C’est d’ailleurs le cas du Maine, du Nouveau-Mexique et du Vermont.
Les Monuments à Christophe Colomb
Partout en Amérique, des statues de l’italien sont déboulonnées par les autorités ou par des manifestations, mais comme on pouvait s’y attendre, ce n’est pas tout le monde qui pense qu’un changement de nom est nécessaire.
Les Italo-Canadiens ont fait de Christophe Colomb une pièce importante du Mois du patrimoine italien. Célébré tout au long du mois d’octobre, ils soutiennent qu’ils honorent en réalité l’histoire de l’immigration, pas l’explorateur. Ils suggèrent donc de conserver le nom de la fête ou de le remplacé par quelque chose de plus approprié, comme « Journée du patrimoine italien ».
Comme la levée de boucliers contre John A. Macdonald, le mouvement de lutte contre le racisme et son héritage historique ne fait pas que des adeptes. Si certains voient dans ces monuments une glorification de crimes du passé, d’autres voient dans leur retrait une manière d’effacer l’histoire sans s’attaquer aux causes même du racisme.
Le débat s’est étiré à Montréal en 2019 quand la décision a été prise de renommé l’avenue Amherst pour plus ou moins les mêmes raisons.
Est-ce que ces personnages de notre histoire, Christophe Colomb en tête, sont juste de leurs époques et qu’il faut mettre à l’avant plan ce qu’ils ont apporté à notre passé. Ou bien, devrions-nous les reléguer aux musées et aux livres d’historie pour faire place dans la toponymie montréalaise à ceux qui auraient du être célébré dès le départ ?