La relation entre l’architecture classique et l’architecture moderne fait l’objet d’un vif débat. Bien que les différences de style et de forme soient les plus apparentes, les matériaux utilisés ont évolué avec les décennies pour devenir plus énergétiques, plus légers, plus accessibles et plus diversifiés.
Tout ça est particulièrement vrai à Montréal, où l’architecture est extrêmement diverse et où des immeubles d’une autre époque se voient maintenant dans le besoin d’être agrandi, modernisé ou tout simplement mis à la saveur du jour. La métropole du Québec, malgré les ajouts récents, est encore loin des tours de verres de Vancouver ou de Toronto qui rendent une ville au niveau de la rue, plutôt générique.
Alors que la plupart des bâtiments du 18e et 19e utilisent des matériaux facilement disponibles, tels que la brique, le bois ou la pierre de calcaire grise, signature de Montréal, les structures modernes ont tendance à recourir à des matières industrialisées comme le verre, l’acier et autres composites métalliques.
Le vieil homme et la pierre
Le mélange des deux disciplines est à la fois intrigant et surtout, controversé. Toutefois, si certains pensent que l’on obtient un design très contrasté et audacieux, sans commune mesure avec la plupart des œuvres unidimensionnelles.
D’autres les considèrent comme un mauvais service rendu aux structures classiques et aux architectes qui les ont conçues. Ceux qui adoptent cette position estiment que les bâtiments traditionnels doivent être préservés plutôt que modifiés.
Il existe plusieurs façons d’intégrer le design moderne à l’architecture classique. Parfois, les architectes ont l’occasion de créer une extension sur un bâtiment actuel, ce qui permet de fusionner l’ancien et le contemporain.
De plus, il est généralement plus économique d’intégrer les principes de l’architecture moderne que de procéder à une rénovation fidèle à l’histoire. Ce qui nous donne trop souvent des exemples ratés de façadisme, une pratique qui consiste à ne conserver que la façade sur rue.
Je me permets donc de vous présenter quelques exemples qui ont piqué ma curiosité.
Le mélange de Maisonneuve
Récemment inaugurée, la bibliothèque de Maisonneuve est un bel exemple de cette fusion. Alors que l’ancien hôtel de ville a été laissé pratiquement intact, l’extension s’inspire du design plus traditionnel avec le gris du calcaire et les lignes verticales, l’ensemble invite les passants à apprécier la combinaison du vieux et du nouveau.
Érigé en 1912, l’édifice au style Beaux-Arts est d’abord l’hôtel de ville de la municipalité de Maisonneuve. Par la suite, il a été utilisé pendant un certain temps comme école, et de 1925 à 1967, l’Institut du Radium de l’Université de Montréal l’a occupé pour mener des recherches sur le cancer.
L’édifice d’origine et aux caractéristiques patrimoniales a triplé sa superficie grâce aux travaux de restauration entrepris au cours de l’été 2020 et inauguré en 2023. Deux ailes contemporaines en verre des firmes Dan Hanganu architectes et EVOQ Architecture ont été ajoutées au bâtiment en plus d’être agrémentée d’un jardin et de la place Ernest-Gendreau colorée et entièrement paysagée.
Les structures plus anciennes peuvent nous enseigner sur la culture, l’histoire et les valeurs du passé tandis que les nouvelles ont la capacité de transformer un quartier (presque toujours pour le meilleur).
L’effet Bilbao, version Verdun
C’est ce que beaucoup nomment l’effet Bilbao, un terme inventé après que le Musée Guggenheim, conçu par Frank Gehry, ait contribué à redresser l’économie de la ville espagnole. Aussi appelé l’effet Guggenheim, il désigne la façon dont un équipement culturel majeur peut infléchir la trajectoire d’une ville et lui permettre de sortir d’une spirale négative par la culture et le tourisme.
C’est le cas de l’arrondissement de Verdun qui, en pleine renaissance, s’est équipé de deux nouvelles infrastructures de qualité pour venir combler un manque culturel et sportif en amalgamant ancien et moderne.
Le mouvement débuté voilà quelques années avec la transformation de l’aréna Guy-Gagnon en nouvelle maison de la culture, le Quai 5160, s’est continué avec le grand dévoilement de l’architecture art Déco de l’Auditorium de Verdun.
Le mandat qui fut confié aux architectes FABG supposait la démolition et la reconstruction de l’Auditorium et la préservation de l’aréna Denis-Savard afin d’effectuer une mise aux normes complète et de remplacer le système de réfrigération au fréon, un gaz nocif sur le plan environnemental
Ils ont plutôt proposé le contraire, en plus de libérer la brique de 1938 de son revêtement en aluminium digne des années 70, la mise en valeur compte également sur la reconstruction complète de son annexe en une infrastructure de pointe aux lignes contemporaines de verres, de bois et de métaux.
Nous sommes loin du Guggenheim, je vous l’accorde, mais il faut avouer que l’arrondissement situé dans le Sud-Ouest a le vent dans les voiles et à l’avant-plan du style néo-montréalais. Puisque ça ne s’arrête pas là pour l’arrondissement, voisin de l’amphithéâtre, son hôpital de 1932, par l’architecte Alphonse Venne est actuellement en plein agrandissement et offrira le traitement de composition contemporaine marié à l’art déco de l’immeuble.
Allez-up, reconversion
Si les projets précédents sont avant tout publics, la reconversion des anciens silos de la sucrerie Redpath de la rue Saint-Patrick en 2014 se voulait au cœur du mouvement de revitalisation des berges du canal de Lachine.
La mise en valeur des silos abandonnés par l’aménagement d’un centre d’escalade a permis d’exploiter au mieux l’énorme potentiel de ces vestiges industriels monumentaux. Le Centre Allez-Up!, imaginez par Smith Vigeant architectes, installe autant à l’intérieur qu’à l’extérieur multiples parois pour les sportifs.
Les vestiges industriels sont souvent les grands oubliés dans la conversation sur le patrimoine et Montréal regorge de cette ressource d’une époque où les manufactures étaient aux centres de nos quartiers ouvriers. Il aurait tellement plus facile de démolir ces monolithes, mais cette destination est plutôt venue enrichir l’offre récréative et touristique du canal.
L’architecture du Ritz-Carleton
Inauguré en 1912, le Ritz-Carlton est le seul grand hôtel de luxe montréalais à avoir survécu jusqu’à nos jours sans changer de vocation. De style Adam, l’établissement est encore un des joyaux de l’architecture du Golden Square Mile.
En 2014, la direction de l’établissement souhaite procéder aux transformations nécessaires pour rentabiliser les lieux, rénover les chambres et y ajouter un volet résidentiel digne de la «?Grande Dame ». C’est Provencher_Roy Architectes qui est mandaté afin de redonner un second souffle.
Les architectes doivent alors concevoir cette aile au seul endroit encore disponible sur le site, à savoir, sur le toit et le long de la façade ouest du bâtiment, au-dessus d’un garage datant des années trente.
Si les étages modernes sont construits en retrait, question de ne pas venir nuire au look néo-classique de l’immeuble existant, les nouveaux condos à l’enveloppe de verre et d’acier sont bien visibles, mais ne dénaturent pas l’ensemble original.
Les styles peuvent-ils coexister ?
Montréal avec le temps, verra de plus en plus de ce genre de fusion, l’âge de la ville offrant plusieurs canevas d’époque aux architectes contemporains. Nous pouvons simplement penser à la conversion en cours du club sportif MAA datant de 1905 et qui sera couronnée d’une tour de 32 étages.
Ou bien le nouveau Phi Contemporain qui viendra transformer la rue Bonavneture avec la restauration de deux bâtiments patrimoniaux parmi les plus âgés de Montréal, dont la maison Pierre du Calvet et ses annexes, construites vers 1770, et la maison Louis-Viger, érigée vers 1765.
Comme pour toutes les autres formes d’art et de design, tout dépend des préférences personnelles. Je suis d’avis que c’est possible entre les bonnes mains. En réalité, ce qui peut sembler être une horreur pour certains peut facilement être considéré comme une merveille pour d’autres.
Le dernier mot revient au propriétaire de l’immeuble. Si quelqu’un possède un vieux bâtiment auquel il souhaite donner une nouvelle vie, l’ajout d’une annexe moderne pourrait être la bouffée d’air frais dont il avait besoin.
La fusion n’est pas toujours une réussite après tout. À vous de décider avec l’exemple du Théâtre Snowdon.