L’émetteur du mont Royal

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Elle surplombe Montréal, perchée sur le mont Royal, tout le monde la tient pour acquise et pourtant presque tous les Montréalaises et Montréalais lui doivent une partie de leur journée. Non, je ne parle pas de la croix ou bien du dôme de l’Oratoire. Je parle de « l’autre monument. » Voici tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans oser le demander sur l’antenne de Radio-Canada.

Pionnier de la radiodiffusion

Plaçons-nous d’abord dans le contexte de l’époque. Après la Première Guerre mondiale. Montréal est plus ou moins le lieu de naissance de la radio tel que plusieurs l’écoutent encore de nos jours.

Vers 1919, la Marconi Wireless Telegraph Company obtient une licence de radio expérimentale et non militaire. L’entreprise fonde alors la XWA, située sur la rue William, elle devient la première station de radio au pays et une pionnière dans le monde.

Édifice Marconi de la rue William
Édifice Marconi de la rue William
Source : Ville de Montréal

Le 4 novembre 1922, la station devient CFCF, Canada’s First, Canada’s Finest avec le premier studio de diffusion au pays situé dans le Canada Cement Building surplombant le square Phillips. Cette chaîne reste en ondes sous différentes fréquences jusqu’en 2010.

Jugeant que les profits ne sont pas assez importants, les propriétaires de l’époque, Corus Entertainment décide tout simplement de « tirer la plogue » sur les ondes de la première station.

Salle des journalistes de CBC/Radio-Canada en 1944 à Montréal.
Salle des journalistes de CBC/Radio-Canada en 1944 à Montréal.
Photo : BAnQ : P48,S1,P23104

La radio d’état

La Commission royale sur la diffusion radio, mieux connue sous le nom de la Commission Aird recommande dans sonrapport de 1929, qu’en raison de l’influence des chaînes américaines, la création d’un réseau national de transmission radiophonique canadien devient une prioritée.

Suite à ses recommandations, la Commission canadienne de Radiodiffusion est fondée en 1932 et sa réalisation en ondes est remise à la compagnie de chemin de fer du Canadien National possédant déjà un réseau d’émetteurs pancanadien d’abord utilisé pour ses propres communications.

Texte publié dans le Devoir, 14 septembre 1944

En plus des horaires des trains bien sûr, nous pouvons y entendre des concerts symphoniques, du radio-théâtre et les actualités quotidiennes. Ce n’est que le 2 novembre 1936 que la CCR prend le nom de Société Radio-Canada/Canadian Broadcasting Corporation et devient une société d’État.

Sur la montagne

Dès l’automne de 1944, la SRC effectue plusieurs essais techniques sur le mont Royal. Un émetteur d’une puissance de 3 000 watts est alors commandé et doit être installé au sommet du mont Royal, monté sur un petit immeuble pour y abriter le nouveau transmetteur ainsi que les équipements de télévision. 

Cette même année, la société de la couronne entre en pourparler avec la ville de Montréal pour faire ériger cette antenne. Dans le document daté du 29 décembre 1944, les représentants de la cité confirment « collaborer avec la Société Radio-Canada au développement de l’art de la radio dont les plus récentes et importantes manifestations sont la radiodiffusion à modulation de fréquence (FM) et la télévision ».

Ancienne tour avant les rénovations
L’ancienne tour de 1960 avant les rénovations importantes de 2009-2010
Photo : Mario Giguère, Flickr 2006

La ville accorde, à la société un terrain de 15 000 pieds carrés (1393 m2) sur le mont Royal ainsi que le droit d’y ériger un poste FM et de télévision pour une durée initiale de 15 ans et ce, au coût exhorbitant de 1 $ par année. En échange, la SRC s’engage à défricher et de maintenir l’emplacement à ses frais durant la période et de remettre à l’état naturel le terrain si la cité lui ordonne.

L’émetteur en 1959.
Photo : Archives de Montréal VM105-Y-3_427-011

En 1945, Radio-Canada est la seule radio à exploiter la bande FM à Montréal. La programmation est transmise à partir du bureau central d’ingénierie de Radio-Canada, situé dans l’édifice Keefer à l’intersection des rues Sainte-Catherine Ouest et Mackay où un transmetteur FM de faible puissance (25 watts) diffuse des émissions sur une base quotidienne.

On inaugure sur l’endroit actuel le 13 mars 1946, la station FM expérimentale VE9CB qui retransmet à la fréquence 98,1 MHz avec 250 watts de puissance. Cette station devient par la suite CBF-FM et sera déplacé en 1948 au 95,1 MHZ.

Et le 14 novembre de la même année, c’est au tour de la chaîne anglophone FM VE9FD, diffusant à la fréquence 100,7 MHz de faire son apparition et évoluera vers le CBM-FM au 93,5 depuis 1971.

La tour et l'immeuble technique en novembre 2021
La tour et l’immeuble technique en novembre 2021
Photo : ProposMontréal, 2021

La télévision

En 1949, Radio-Canada mène une étude dans différents quartiers de Montréal sur la couverture de la télévision pour déterminer le meilleur endroit pour placer l’émetteur. Encore une fois, on revient sur le mont Royal et en 1951, la société d’État obtient de la ville la permission de construire une nouvelle antenne sur la montagne.

Carte du rayonnement approximatif de CBFT — Montréal, en septembre 1952.
Carte du rayonnement approximatif de CBFT à Montréal en 1952.

CBFT entre en opération le 4 décembre 1952. D’une puissance de 17 kW, elle multiplie par 6 l’antenne utilisée jusqu’à maintenant par la télévision. La tour mesure 283 pieds (86,2 m) qui, additionné à l’altitude de l’emplacement du terrain lui offre une portée importante des deux côtés de la colline.

En 1960, la Ville de Montréal renouvelle la permission de construire et d’occuper pendant 20 ans une tour de transmission de télévision et de radio sur le mont Royal, permission qui sera renouvelée sans trop de résistance à plusieurs reprises.

L’antenne de télévision en 1961. Encore debout aujourd’hui.
Photo : Archives de Montréal, VM105-Y-1_0910-006

L’antenne aujourd’hui

Radio-Canada Transmission une division de la SRC/CBC assure non seulement la diffusion de ses propres médias, mais, à titre de propriétaire de la tour, agit comme gestionnaire principal permettant à la grande majorité des stations FM privées, à certains services privés de radio numérique, à quelques services de radiocommunications, ainsi qu’à tous les activités de télévision VHF, UHF et micro-ondes desservant la région de Montréal d’être en ondes.

Ne pas confondre la grande tour avec sa petite voisine. L'ancienne antenne de diffusion est maintenant utilisée par des compagnies cellulaire comme Vidéotron.
Ne pas confondre la grande tour avec sa petite voisine. L’ancienne antenne de diffusion est maintenant utilisée par des compagnies cellulaire comme Vidéotron.
Photo : ProposMontréal 2021

Je vous invite à regarder la liste des radios ainsi que de leur émetteur et fréquence en suivant le lien vers le site de WorldRadiomap.com

Les coûts de location remis à la ville, qui s’élèvent maintenant entre 500 000 $ et 750 000 $ doivent, en principe, être réinvestis à la valorisation du parc du Mont-Royal. Malgré cette somme, certains organismes de protection de l’écosystème avec à leur tête « Les amis de la montagne, » aimeraient bien voir disparaitre la structure d’acier lors du renouvellement du contrat qui approche en 2023.

L'antenne sur le mont Royal
L’émetteur sur le mont Royal
Photo : ProposMontréal 2021

Au contraire, d’autres proposent de valoriser cette anomalie sur la montagne. Qui ne connait pas la tour de Tokyo ou bien chez nos amis de Toronto, la tour du CN qui est avant tout une vulgaire antenne de communication. Je lance le challenge aux firmes de publicités locales de trouver une façon de la transformer en espace touristique, instagrammable pour un partage planétaire sur le web

C’est exactement ce qu’avait suggéré le maire Jean Drapeau au milieu des années 80. On parle d’une attraction touristique pour justement rivaliser avec la torontoise. Avec un restaurant tournant, une discothèque et des téléphériques amenant les visiteurs du rez-de-chaussée.

Cette tour incorporer la tour de transmission sur la montagne, installée en 1960. Drapeau souhaitait depuis longtemps que les antennes soient remplacées, les décrivant comme un « tas de ferraille » qui empoisonne le mont Royal. Il avait donc ça en commun avec les Amis de la Montagne.

Affiche utilisée par les Amis de la Montagne pour protester contre la tour proposée par le Maire Drapeau
Affiche utilisée par les Amis de la Montagne pour protester contre la tour proposée par le Maire Drapeau

Avec les plus récentes rénovations de 2010, le trident rouge et blanc mesure environ 365 pieds (112 m) sur un site qui se situe à plus ou moins 754 pieds (230 m) ce qui fait de l’antenne de Radio-Canada, la construction la plus élevée de Montréal. Éclipsant les deux croix voisines si précieuses à la ville.

Ce qui donne peut-être des ailes à l’argument, « les médias sont-ils les nouvelles religions ? »

Que pensez-vous de la tour de transmission, peut-être ne l’aviez-vous même pas remarqué perché sur notre quotidien chaque fois que vous allumez la radio ou votre téléviseur.

Trident dans le ciel de Montréal
Trident dans le ciel de Montréal
Photo : ProposMontréal 2020

Commentaires

Martin Bérubé Écrit par :

Amoureux de Montréal, fasciné par l'histoire de la ville, son urbanisme et sa toponymie, ni historien ni spécialiste du sujet, Martin n'était même pas né à l'époque de 99% des sujets discutés de ce site. Il aime trouver des réponses aux questions qui sont posées. Les billets que vous lisez ne sont que les résultats de la quête vers des réponses et le besoin de partager.