Avec ce qui se passe dans les nouvelles ces temps-ci, je me disais que c’était une bonne façon de revenir sur mon dossier historique sur les ponts de l’île que j’avais commencé en 2011 (Ponts Lachapelle, Pont Jacques-Cartier, Pont Victoria, Tunnel Pont tunnel Hippolyte-Lafontaine). Il m’est donc nécessaire de parler du Pont Champlain, de sa construction et de son histoire.
À la fin des années 50, l’automobile se vend comme de petits pains chauds et les banlieues s’agrandissent. (Voiture + Banlieues + travail sur l’île = Congestions sur les ponts) réalité du temps qui ne semble pas si loin de la réalité aujourd’hui. Un pont est originalement imaginé à la hauteur de Lachine ou les berges de la rive-sud et de Montréal sont plus rapprochées, mais le coût de l’expropriation à Verdun se voyait plus facile et moins coûteuse. C’est donc le besoin de sauver de l’argent qui guida l’emplacement du pont actuel. Ce besoin d’économiser, une mauvaise gestion et une série de mauvaises décisions feront que le pont tout jeune de 50 ans était voué à ce que l’on rencontre aujourd’hui. Au mois d’août 1955, le Ministre des transports George Maler annonce un nouveau lien au-dessus du St-Laurent. Le pont de l’Île des Soeurs tel qu’il est connu au début du projet sera un lien important entre la Métropole et les Cantons-de-l’Est, les maritimes, l’état de New-York et le Nord-Est des États-Unis. Originalement conçu en acier comme les ponts Honoré-Mercier et Jacques-Cartier, par soucis d’économie, le Conseil des Ports Nationaux en charge du projet demande une structure en béton précontrain… moins coûteuse d’environ 17%. Cette méthode consiste à inclure des cables d’acier tendus à l’intérieur pendant le durcicement du béton pour lui ajouter de la résistence.
L’ingénieur en chef au lancement du projet est M. Philip Louis Pratley, le même ingénieur qui a supervisé l’érection du Pont Jacques-Cartier et le Pont de l’Île d’Orléan. malheureusement, il ne verra jamais la fin de ce projet quand Pratley, d’un cancer du pancréas décéda en 1958, son fils prend la relève pour mener la construction à terme. Durant la construction de Champlain, la firme d’ingénierie est aussi sur la supervision de quatre autres ponts, soit à Cornwall, Prescott et Burlington en Ontario. Prévu avec quatre voies pour 25 millions $, les études réalisées durant les années suivantes démontrerons que la région métropolitaine aura besoin de plus d’ici les années 80. On change donc les plans initiaux pour une nouvelle structure de six voies et une enveloppe de 35 millions de dollars. C’est à ce moment que le pont change de nom pour fêter le 350e anniversaire de la fondation de Québec par Samuel de Champlain.
Du côté Montréalais, le pont aura trois accès, soit l’entrée Wellington par Verdun qui est disponible dès son ouverture en s’appuyant sur l’Île des Soeurs, jusqu’à Brossard. l’entrée au tunnel Atwater sera ouverte en 1963 et une autre par St-Antoine/St-Jacques au printemps 64, les arrivées par Bonaventure et Décarie ne seront pas construites qu’en 1967 à temps pour l’Expo. Le pont deviendra rapidement, un pilier de l’économie Montréalaise et canadienne en entier. Le pont le plus long pont au Canada, à l’époque, est majoritairement construit de béton précontraint en tablier à dalles orthotropes et seule la partie au-dessus de la voie maritime est en acier. La travée de type cantilever de 757 mètres et offre une hauteur libre de 36,5 mètres pour les grands navires se rendant au port de Montréal et dans les grands lacs. D’une longueur de 3,4 km et une largeur de 36,6 mètres. Comptant 56 piles, pesant un total de 171 000 tonnes. Son coût annuel d’entretien en temps normal 4,3 millions mais coûte environ 21 millions par année en ce moment.
Dès le début, certaines alarmes sont sonnées, par exemple un des ingénieurs rappel durant la mise en chantier que si une des poutres est endommagée, elle ne pourra pas être tout simplement remplacée comme sur un pont en acier dû au type de construction des paliers fabriqués de sept poutres et six bandes intercalaires toutes reliées par des cables d’acier tendûs, créant ainsi un bloc solide. Il est aussi mentionné que le sel, qui en est a ses débuts sur nos routes, ne devrait jamais être utilisé, une petite note qui semble avoir été oubliée avec le temps. Franchement, je ne suis pas ingénieur et loin de le prétendre. Alors, qui de mieux que Charles Tisseyre lui-même pour nous expliquer la fabrication du pont et nous expliquer comment le besoin d’économiser on même fait oublier les gouttières (finalement apparues en 1995) et couper la quantité de béton de la moitié. Voici le vidéo qui fait le tour des médias sociaux en ce moment même si ce dernier date de quelques années déjà, il aurait pu être diffusé hier sans apporter aucun changement.
Ouverture exactement à 16h le 29 juin 1962, trois mois devant l’échéance prévue, sans tambour, ni trompette. Le gérant du Port de Montréal, M. Beaudet sera le premier à déposer son « trente sous » au poste de péage du tout nouveau pont. Preuve que Montréal était dans une belle époque, la journée d’avant, soit le 27 juin 1962, le tout Montréal était dans le Square Dominion pour l’inauguration de la tour CIBC qui à son ouverture, était la plus haute tour du Commonwealth et la ville déposait un surplus budgétaire de 5,6 millions.
Le péage pouvait être effectué en laissant tomber une pièce de 25¢ dans un panier un poste de péage à l’entrée de chaque rives du pont. Des jetons sont aussi disponibles, eux se vendant en rouleau de 25 pièces pour 2$, soit 8¢ le jetons. Alors, tout comme le pont de la 25 en ce moment, vous êtes un habitué et vous vous procurez des jetons, vous payez moins cher, vous utilisez le pont de temps en temps, un simple 25¢ fait l’affaire, mais vous débourser un peu plus. L’ironie, le Pont Champlain fut le dernier à se débarrasser du péage en 1990 et c’est probablement son remplaçant qui ramènera le péage et le concept d’utilisateur-payeur sur les traversés du St-Laurent.
L’agrandissement des îles Ronde et Sainte-Hélène et la création de l’île Notre-Dame dans les années 60 force la construction de l’Estacade du pont pour protéger les piliers de bétons d’embâcles créer par la réduction de la largeur du fleuve plus au nord. Petit fait historique, l’Île Ste-Hélène a été nommé par Samuel de Champlain lui-même en honneur de son épouse, Hélène de Champlain en 1611. D’avril à octobre, l’estacade est utilisée comme piste cyclable et sert de lien entre la piste cyclable déjà existante à l’Île des Soeurs et celle de la digue de la voie maritime. La piste cyclable est exploitée par la Société du parc Jean-Drapeau. Aujourd’hui, l’utilisation de brises-glace dans le St-Laurent rend cette structure un peu obsolète, l’estacade est donc ouvert à plusieurs projets depuis les dernières années, pour le transport en commun ou pour un pont entre Île des Soeurs et la terre ferme.
Le pont Champlain aujourd’hui est devenu le pont le plus achalandé du Canada et compte environ 170 000 véhicules par jour dont 10% d’entre eux sont des camions lourds. Le pont Champlain est une traversée presque nécessaire pour ces derniers qui veulent se rendent aux États-Unis ou dans les Maritimes venant de l’ouest. Le parachèvement de l’autoroute 30 se voulant la voie de contournement de l’île ne semble pas avoir fait une grande différence dans l’achalandage de la structure du moins, pour le moment.
Pour ce qui est de son remplaçant, puisque la responsabilité revient au gouvernement fédéral et d’un premier ministre qui n’a rien à foutre des Montréalais, le nouveau pont est complètement hors de la juridiction des citoyens qui l’utiliseront à tous les jours, j’espère que le jeu politique ne viendra pas affecter l’oeuvre que devrait être la prochaine structure. Certaines constructions ont même déjà commencés, sans savoir ce que le futur nous réserve.
Ça fait maintenant plus de vingt ans que les autorités en charge du pont sont au courant des ratés et des problèmes qui nous affectent aujourd’hui sur le pont, mais le but premier de ce billet était de vous en apprendre plus sur l’histoire du pont et j’espère que je l’aurais fait.