Taxi: Trop peu trop tard?

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Je vais commencer en disant que les chauffeurs de taxi propriétaires, locataires et employés font un métier qui me semble fascinant, mais dont je serais incapable de faire jour après jour. Je connais très bien la ville, plus que la moyenne et l’idée d’entendre des histoires différentes et des potins de tout genre à chaque client différent m’enchante. Me promener dans les rues de cette ville que j’adore à longueur de journée pourrait bien être un métier de rêve pour un blogueur urbain. Par contre, le fait qu’il soit aussi facile pour un mauvais client de quitter sans payer ou que le chauffeur tourne le dos à chaque moment d’une course à quelqu’un qui pourrait potentiellement lui vouloir du mal est une vulnérabilité qui est pour moi assez difficile à concevoir et le risque n’en vaut pas la peine.

En 1956, le service des taxis de la Sûreté municipale inaugure la mise en service d’un « nouvel appareil ultra-moderne » afin de vérifier les taximètres ainsi que les odomètres des voitures de location. Dans son discours d’inauguration, Pacifique Plante, directeur intérimaire de la Sûreté municipale, déclare que cette installation est « probablement la première du genre en Amérique du Nord ». Photo: archive de Montréal.
En 1956, le service des taxis de la Sûreté municipale inaugure la mise en service d’un « nouvel appareil ultra-moderne » afin de vérifier les taximètres ainsi que les odomètres des voitures de location. Dans son discours d’inauguration, Pacifique Plante, directeur intérimaire de la Sûreté municipale, déclare que cette installation est « probablement la première du genre en Amérique du Nord ». Photo: archive de Montréal.

C’est avec ça en tête que l’idée de voir des caméras installées dans les véhicules me réjouit, quoique du même coup, me fait un peu peur. Si des gens chialaient que les radars photo et certains postes de péage de pont étaient une intrusion à leur vie privée, imaginez maintenant qu’une caméra est pointée directement vers votre visage dans un espace clos. Le bureau du taxi est sous la juridiction du SPVM et autant que je défende notre force constabulaire quand je le peux, on doit avouer que leur feuille de route n’est pas des plus reluisante ces temps-ci. Toutefois, il est important que les données de caméras soient rendues disponibles qu’uniquement pour les enquêtes policières et je l’espère, avec mandat de la cour.

Parmi les autres recommandations tirées de la consultation publique et annoncée hier on peut y voir l’apparition de la géolocalisation (GPS) qui en 2014, dans un monde de plus en plus branché, l’idée de savoir où se trouve notre « ride » est plus qu’intéressant et non seulement pour la sécurité des chauffeurs, mais celle des passagers aussi. Pour ceux que ça inquiète, sachez que pour la plupart d’entre vous, vous avez déjà dans vos poches un appareil qui techniquement, vous traque à chaque mouvement, je parle bien sûr de votre téléphone intelligent. Pour le moment, je crois qu’il n’y a que Taxi Diamond qui utilise la localisation, mais pour avoir travaillé dans le passé avec une flotte de véhicules lourds ainsi équipés, je peux vous garantir que le service à la clientèle s’est vu améliorer énormément en sachant à tout moment ou se trouvait nos camions.

Le paiement électronique est aussi énoncé. Ce n’est pas tous les taxis qui sont équipés d’un service de paiement par carte débit ou de carte de crédit, pourtant, l’occasion d’éliminer l’argent comptant repousse donc la possibilité d’agression pour le vol de quelques centaines de dollars. Alors, quand il est possible pour une très très petite compagnie comme la mienne de prendre des cartes de crédit avec l’utilisation de service comme Square, je ne comprends pas pourquoi ces machines ne se retrouvent pas encore dans chacun des 4 437 taxis de Montréal.

Capture d'écran de Uber et Hailo.
Capture d’écran de Uber et Hailo.

Ceux qui pleurnichent contre l’autobus n’ont jamais pris le taxi. S’il y a une industrie qui est relativement malade en ce moment, c’est bien l’industrie du taxi montréalaise. Véhicules de qualité douteuse avec plusieurs chauffeurs qui le sont tout autant dont certain sont de nouvel arrivant qui connaît à peine la ville. Un service à la clientèle relativement déficient et des technologies datant du siècle passé. J’exagère et je généralise, mais considérant qu’une licence coûte en moyenne 200 000$ sur le marché en ce moment, tu dois t’arranger pour que les gens se garrochent sur toi pour être rentable, chaque petit avantage que tu peux tirer est à ta faveur. Pour comparer, une franchise pour le restaurant Subway coûte 15 000$. Pourtant, ce n’est pas les outils qui manquent, au lieu de voir les Hailo et Uber comme des ennemis, pourquoi ne pas embrasser l’offre de service que ces applications virtuelles apportent?

Il faut arrêter de voir les véhicules en libres partages de car2go ou d’Auto-Mobile et le Bixi comme des compétiteurs et entrer dans la panoplie de transport collectif. L’utilisateur d’un de ces autres services n’est pas nécessairement un utilisateur du taxi. Voici quelques exemples;

Un résident du plateau qui veut se rendre chez Ikea (à St-Laurent ou Boucherville) va utiliser le véhicule en libre partage. Le Bixi et le transport en commun sont hors de question et le taxi serait plus dispendieux que le meuble plat acheté. Un autre exemple, l’homme d’affaires qui doit se rendre de son bureau à sa banque de la Rue St-Jacques? Le Bixi et le TeC sont encore une fois écartés et avoir à trouver du stationnement pour les libres partages sont du temps qu’il n’a pas. Le taxi se veut alors la solution parfaite. L’étudiant qui se rend du McGill Ghetto pour voir ces « Bros » dans le quartier Concordia va prendre le Bixi ou le TeC. La personne qui a trop bu et qui sort du bar après le dernier métro et qui ne veut pas conduire va prendre le taxi. Vous voyez donc qu’il est possible d’habiter en ville sans avoir de véhicule à soi et que le taxi est une partie intégrale de l’offre aux Montréalais.

L’image du taxi a grandement besoin d’être redorée. Premièrement, en tant qu’utilisateur de la route, laissez-moi rappeler à ses chauffeurs que ce n’est pas parce que vous passez 12h par jour derrière le volant que vous savez conduire, la propreté des véhicules est souvent douteuse et en passant, la senteur de « p’tit sapin » est assez nauséabonde. Le taxi est souvent une porte d’entrée sur la ville, déjà que la route entre Dorval et le Centre-Ville fait dur, il ne faudrait pas que nos taxis soient aussi désagréables.

Tout cela a un coût et la ville va aider les propriétaires un peu, mais une industrie qui tire de la patte doit savoir se renouveler pour rester en vie. Parlez-en aux clubs vidéos aujourd’hui disparus qui n’ont pas été capables de s’adapter. Il est sans équivoque que le prix au compteur va augmenter, en ce moment, le prix de base est de 3,45$ en partant, 1,70$ le kilomètre et 0,63$ en attente. Maintenant comparons, Toronto, 4,25$, 1,75$/km et 0,25$ en attente. Vancouver, 3,35$, 1,86$/km et 0,55$ en attente. Chicago, 2,25$, 1,10$/km et 0,20$ en attente et finalement New York 2,50$, 1,55$/km et 0,50$ en attente. Montréal est dans la partie élevée de la moyenne nord-américaine, mais je crois qu’il y a place pour une légère augmentation, une trop grande hausse et tous ces nouveaux avantages auront été pour absolument rien, c’est une décision délicate.

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Le taxi ne disparaîtra jamais, mais s’ils n’ont pas la possibilité de se réinventer, le part de marché ne va que réduire et faire place à ceux qu’ils voient aujourd’hui comme des compétiteurs. En 2010, il y a eu un début de renouveau avec les publicités et la standardisation des lanternons, mais il y avait aussi d’autres nouveautés, dont un chauffe-cabine qui aurait permis de pouvoir éteindre le moteur durant les froids mois d’hiver et ainsi sauver sur l’essence et être un peu plus vert. À voir le nombre de véhicules arrêtés avec un moteur qui fonctionne en tout temps, ils sont rares ceux qui ont pris avantage de cette offre où l’installation était subventionnée à 50% par Transport Québec. Être plus vert est également la direction dont l’industrie doit prendre, les véhicules électriques avec des bornes de recharge dans les postes d’attente, éteindre le moteur été comme hiver quand le véhicule est entre deux clients et pourquoi ne pas avoir quelques taxis avec des supports à vélo?

C’est inévitable et comique, quand on parle du taxi montréalais, le sujet de la couleur des véhicules revient à chaque fois. Nos taxis devraient-ils avoir une couleur symbolique pour bien les reconnaître dans la rue? Le jaune de New York, le noir de Londres, le vert de Mexico City, l’orange de Toronto. Je vais prendre un exemple local, vous avez sûrement vu dans les rues de la ville la Lamborghini rose, la Ferrari rose, le Range Rover rose et même le taxi rose de la compagnie de yogourt glacé Yeh de St-Laurent. Leur marketing est à point et la couleur de leurs véhicules a beaucoup à faire avec cette réussite.

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Comment améliorer le service à la clientèle, voici un autre modèle. Atlanta a quelques compagnies de taxis (les jaunes, les blancs et les jaunes et blancs) et lors d’une visite récente pour un congrès, mes déplacements étaient tous en taxi. Durant mon 3e déplacement, le chauffeur, en pure « southern hospitality » me demande si je voulais une bouteille d’eau (température extérieure, 34°c). Il sort alors d’une petite glacière, une bouteille d’eau Dasani, marque déposée de Coca-Cola, un des principaux employeurs de la ville (pub payée par Coke). Sachant qu’une petite bouteille d’eau coûte environ 0,25$ au supermarché quand elles sont en spéciales, la touche m’a énormément fait penser et le reste de mon voyage, j’ai seulement utilisé cette compagnie et à chaque fois, je me faisais offrir une bouteille d’eau commanditée. Alors, en moment de canicule comme ces derniers jours, cette petite touche serait grandement appréciée et reconnue, surtout pour les touristes qui arrivent de l’aéroport.

Dans le passé, des compagnies comme Diamond ou La Salle produisaient des guides touristiques imprimés distribués dans leurs véhicules en plus d’offrir des tours touristiques payés d’avance faisant le tour des points touristiques de la ville.

Guide Touristiques Taxi Diamond et Taxi LaSalle.
Guide Touristiques Taxi Diamond et Taxi LaSalle.

L’industrie en entier a besoin de se regarder un peu, je ne crois pas que les annonces récentes feront beaucoup pour changer l’opinion populaire du taxi moyen à Montréal. Est-ce trop peu trop tard? Seul le temps nous le dira, mais la technologie, l’écologie et le goût de se renouveler doivent faire consensus chez tous les opérateurs, des flottes à véhicules multiples aux proprios uniques. Ils se doivent de tous rouler dans la même direction.

En fin de billet, je lance don un appel à tous, si vous connaissez un chauffeur de taxi qui serait ouvert à avoir un observateur durant un quart de travail de soir ou de nuit, faites-moi signe. J’adorerais suivre cette chronique avec une expérience « sur le terrain » que je pourrais documenter et partager avec mes lecteurs, cela serait apprécié et je pourrais voir ce que ces pilotes de la rue font sur une base régulière. Probablement que cela atténuera mon opinion qui comme vous l’avez senti, est légèrement négative.

Commentaires

Martin Bérubé Écrit par :

Amoureux de Montréal, fasciné par l'histoire de la ville, son urbanisme et sa toponymie, ni historien ni spécialiste du sujet, Martin n'était même pas né à l'époque de 99% des sujets discutés de ce site. Il aime trouver des réponses aux questions qui sont posées. Les billets que vous lisez ne sont que les résultats de la quête vers des réponses et le besoin de partager.