Selon un collectif d’artistes et d’urbanistes, il ne faut pas toucher et re-déménager l’Homme de Calder. Comme je vous le mentionnais voilà quelques articles déjà, un débat a lieu en ce moment à savoir si le stabile de Calder, l’Homme (Man, three disks), devraient passer du Parc Jean-Drapeau sur l’Île Saint-Hélène et venir faire un tour au centre-ville.
Cette lettre ouverte s’adressant à qui veulent bien l’entendre se veut un plaidoyer en faveur de la construction d’une nouvelle oeuvre majeure pour le centre-ville et le soutien de l’emplacement actuel de la sculpture format géant. En prenant le même exemple du Cloud Gate que ProposMontréal;
Ils rappellent également que 2017 n’est pas que le 375e de Montréal, mais c’est aussi le 50e de l’Expo 67, raison de la naissance de cette oeuvre. En comparant même l’Homme à la Statue de la Liberté de New-York, disponible qu’en bateau. Peut être que ce collectif oubli que Lady Liberty mesure quand même 48 mètres, soit un peu plus que le double de le « Man ». Détail important que les signataires semblent ne pas mentionner et j’ai bien utilisé le terme « re-déménagé » en début de billet. L’Homme a déjà été déraciner en 1991.
La lettre ouverte m’a aussi fait penser que le Parc Jean-Drapeau comporte 14 oeuvres publiques et ils suggèrent de créer un parcours touristique faisant le tour de l’île et en mettant en vedettes ces sculptures trop souvent oubliées. Si, pour les 375e anniversaire de Montréal, Montréal devrait se doter d’une oeuvre phare au centre-ville, au lieu de piger dans ce qui déjà établi, pourquoi ne pas prendre ce moment unique pour créer un nouveau point rassembleur tout aussi unique?
Si vous êtes à cheval sur l’idée de déplacer l’Homme de Calder, voici dans son intégralité la lettre ouverte pour le maintien du stabile sur son endroit actuel.
Plaidoyer en faveur d’une nouvelle œuvre majeure pour Montréal Le débat sur l’avenir du stabile d’Alexander Calder intitulé L’Homme (Man, Three Discs) situé sur le belvédère de l’île Sainte-Hélène du parc Jean-Drapeau est relancé depuis quelques semaines. Certaines personnalités publiques souhaiteraient le déraciner de son lieu d’accueil. Offert par la société International Nickel Company of Canada Ltd. (Inco) à la Ville de Montréal pour l’Expo 67 et installé sur l’île Sainte-Hélène, on voudrait maintenant dénaturer ce symbole en l’envoyant en exil sur l’île de Montréal. Nous y sommes farouchement opposés.
L’importance de l’art public va au-delà de la simple contemplation artistique. Il s’agit aussi d’un enjeu d’aménagement urbain et d’appropriation publique de l’art. Une œuvre d’art public doit vivre au rythme du site qui l’accueille et des activités humaines qui s’y déroulent. Son appropriation par la population est la clé de sa valeur publique et artistique.
Nous avons l’obligation de valoriser une œuvre et de la protéger. C’est ce que Montréal a fait pour les célébrations du 40e anniversaire de l’Exposition universelle de Montréal (Expo 67). En 2007, la ville s’est dotée d’un règlement sur la constitution du site du patrimoine de l’île SainteHélène afin de protéger et valoriser l’héritage de cet événement marquant pour Montréal. Ce règlement dit que les œuvres héritées de l’Exposition universelle, incluant L’Homme, devront demeurer in situ. Les élus du Conseil de la ville de Montréal ont ainsi eu la sagesse de protéger ce patrimoine de toute dérive éventuelle, telle celle qui enflamme les esprits aujourd’hui. Déplacer L’Homme serait une solution de facilité, à rabais et pas du tout visionnaire.
À l’instar de Chicago avec son Cloud Gate d’Anish Kapoor, Montréal devrait commander une nouvelle œuvre phare du XXIe siècle pour célébrer son 375e en 2017. Ce geste aurait plus d’impact pour la métropole que le déménagement inutile et complexe au coût de plus de 2 millions de dollars de la plus importante œuvre d’art public de l’Expo 67 et de la ville. D’ailleurs, cette même année sera aussi l’occasion de célébrer le 50e anniversaire de cet événement. Voilà l’occasion parfaite de souligner son héritage en mettant en valeur cette œuvre sur le site principal qui a accueilli l’événement qui a donné une notoriété internationale à Montréal, l’île Sainte-Hélène.
Montréal ne doit pas être considérée comme le salon privé de quelques mécènes, collectionneurs ou gens d’affaires déplaçant une œuvre d’art public au gré de leur volonté comme on déplace un tableau de la cuisine au boudoir. Sans quoi La Liberté illuminant le monde (Liberty Enlightening the World), plus connue sous le nom de statue de la Liberté (Statue of Liberty) à New York, uniquement accessible par bateau, aurait été déplacée depuis des lustres. Une œuvre d’art public n’est surtout pas un objet commercial qui s’échange au gré des fluctuations du marché. Un artiste crée une œuvre publique pour qu’elle soit liée à un site spécifique ou encore qu’elle soit représentative d’un lieu, d’un événement ou encore d’une culture ou un message symbolique pour une collectivité. Calder a lui-même coordonné les travaux d’aménagement de son œuvre sur l’île Sainte-Hélène. La déraciner de son site viendrait à travestir la signification artistique et patrimoniale de l’œuvre en lien avec le thème générique de l’Expo 67, « Terre des Hommes » (Man and his World).
Chaque année plus d’un million de personnes ont la chance de vivre l’expérience du stabile de Calder en se rendant au parc Jean-Drapeau grâce à de très nombreuses activités et événements d’envergure nationale, voire internationale. Ce lieu a la chance d’être accessible facilement par métro, en vélo, à pied, par navette fluviale et en voiture pour tous les Montréalais et touristes. Ne commettons pas encore l’erreur de vider davantage le site de l’île SainteHélène. Rappelons ce grand moment de l’histoire de Montréal en investissant sur sa mise en valeur, entre autres, en améliorant sa visibilité depuis les rives de l’Île de Montréal. Servonsnous de l’œuvre majeure de Calder comme fer de lance de cette réappropriation collective du site de l’Expo 67 et ainsi créer un nouvel attrait touristique international pour Montréal. Il y a 14 œuvres d’art public au parc Jean-Drapeau, pourquoi ne pas créer un parcours unique avec comme point culminant le stabile de Calder. Il serait honoré d’être au centre de cette valorisation exceptionnelle de l’art public à Montréal du XXe siècle.
Ayons de l’ambition pour notre ville en investissant davantage dans l’art actuel. Offrons la chance à nos artistes contemporains de paver d’art nos espaces publics. Québec a célébré son 400e en se dotant de nouvelles installations, de nouveaux aménagements. Nous sommes convaincus que pour célébrer son 375e anniversaire, Montréal mérite davantage qu’un déménagement et une controverse autour d’une grande œuvre du passé. Montréal mérite une nouvelle œuvre d’art public majeure du XXIe siècle afin de souligner avec prestige cette grande célébration collective.
François William Croteau
MBA, doctorant en études urbaines, maire de Rosemont – La Petite-Patrie
Gérard Beaudet
Urbaniste émérite et professeur titulaire, Institut d’urbanisme
Nicolas Cournoyer
Directeur général de Piknic Electronik
Emmanuel Galland
Artiste/commissaire, Consultant cultures & communications
Michel Goulet
Sculpteur
Nicolas Mavrikakis
Critique d’art, commissaire d’expositions et professeur d’histoire de l’art
Philippe Poullaouec-Gonidec
Directeur de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal