Montréal est relativement chanceux, notre aéroport est assez proche du centre-ville pour qu’un voyage en taxi ne vous coûte pas plus de 40 $, circulation ou non. Habituellement, vous vous en sauvez avec une course de 25 $-30 $. Mais avez-vous imaginé prendre le métro pour vous rendre à votre avion quelques minutes avant son départ, ou de vous présenter à l’aéroport et d’acheter votre billet sur place comme vous le feriez avec un autobus gare d’autocars de Montréal??
Nous connaissons tous « l’autre » aéroport oublié sur la Rive-Nord, mais saviez-vous que Montréal a eu dans un passé pas si lointain deux autres aéroports? Plusieurs se rappelleront l’usine de Canadair (aujourd’hui Bombardier) à Cartierville (Saint-Laurent) qui était équipé d’un aéroport avec deux pistes d’atterrissage.
Mais, je vous parlerais de l’Aéroport de Cartierville un peu plus tard. Aujourd’hui, je vous parle de celui que l’on connaît moins et pourtant, est assez récent. Entre l’autoroute Bonaventure et le Pont Victoria se trouvait une piste d’atterrissage qui a été en fonction de 1974 à 1976.
Le Stolport Victoria se voulait un projet-pilote pour améliorer l’offre de transport entre certaines grandes villes canadiennes et donner un coup de main à l’industrie de l’aéronautique qui en avait grandement besoin à ce moment et très peu d’information sur ce vestige est disponible aujourd’hui.
Je me considère personnellement un connaisseur de notre belle ville, mais ce détail m’était complètement inconnu jusqu’au moment où je suis tombé sur ce billet du blogue de Taylor Noakes qui a vraiment piqué ma curiosité. Comment un aéroport a bien être pu construit puis détruit à l’endroit où se trouvent aujourd’hui les Studios Mel’s et le Technoparc de Montréal?
Le projet-pilote est présenté le 13 mai 1971 par le ministre des Transports du Canada, Don Jamieson. La première ligne du système d’Adaport serait Montréal-Ottawa avec la construction d’un aéroport de ville où se situe un stationnement du temps de l’Expo 67 juste aux côtés du pont Victoria.
Un Adaport, aussi appelé un Stolport est selon Wikipedia, est un aéroport ou une plate-forme urbaine destinée à l’atterrissage et/ou décollage d’appareils nécessitant un faible espace. Il est prévu pour être utilisé par des avions à décollage et atterrissage court (ADAC) ou des aéronefs à décollage et atterrissage verticaux (ADAV). À titre de référence, la piste de Montréal serait de 2000 pieds.
Le fédéral s’engage à ce moment de construire les aérogares d’Ottawa et de Montréal et d’acheter six avions DHC-6 Twin-Otter de 11 passagers de la compagnie De Havilland Canada de Toronto et opérée par Air Canada de Montréal. Au moment de l’annonce en 1971, le projet avait déjà coûté 61 millions en étude de faisabilité. Avant même ces débuts, il était prévu que le gouvernement fédéral devra verser 21 millions par années pour faire fonctionner la ligne MTL-OTT, le revenu des billets ne couvrant que les coûts de base.
Le choix de l’emplacement pour les adaports se devait d’être rapidement accessible du centre-ville, s’assurer que le bruit des avions soit égal à 300 pieds ce qu’un autobus était à 100 pieds et permettant une altitude de vol entre 3 000 et 5 000 pieds entre les deux destinations. Si le projet s’avérait positif, des villes comme Toronto, Boston et New York étaient dans la mire des gestionnaires.
Maintenant, pensez à la congestion aérienne. Dorval, Cartierville et Victoria se trouvaient pas mal tous dans l’ouest de la ville et c’est pour cette raison que les pilotes furent judicieusement sélectionnés et entraînés pour le vol en basse altitude, sur une courte piste d’atterrissage et en environnement urbain. Il ne faut pas oublier que la piste de Montréal avait le pont et une ligne importante à haute tension toute prête. Cette ligne électrique y est toujours présente.
Le 24$ de votre billet incluait en plus des taxes, la navette la « Stolmobile » entre l’hôtel Bonaventure (aujourd’hui un Hilton) et l’aérogare qui partait 15-20 minutes avant le décollage ou le stationnement gratuit et une autre navette à destination. Les vols partaient toutes les heures entre 8h et 22h et ne duraient que 45 minutes environ.
La petitesse de l’appareil Twin-Otter n’avait aucune cabine dédiée au pilotage, pas d’hôtesse, de repas ou même de journaux et peu de place pour des baguages. La clientèle visée était les « Hommes d’affaires ». Je mets homme d’affaire entre guillemets, puisqu’à ce moment dans notre histoire, l’idée de voir une femme en jupes ou même en pantalons se rendant au bureau était presque dérisoire.
Plusieurs retards dans la construction de l’adacport de Montréal dû en grande partie aux choix de l’emplacement choisi. Son emplacement est régulièrement remis en question à cause du terrain trop malléable en plus d’émanation de gaz s’échappant du sol. Le tarmac s’est enfoncé de plusieurs centimètres sous le sol constitué de déchets entassés sur plusieurs dizaines de mètres de hauteur pour construire le parc de stationnement Victoria.
L’histoire ajoute même que la piste s’est fissurée en deux endroits et un inspecteur qui avait lancé sur une des fissures un bout de papier auquel il avait mis feu a eu la surprise de voir la piste prendre feu à ses pieds à cause du méthane provenant de la décomposition organique des poubelles. Une erreur de calcul des ingénieurs du gouvernement canadien.
Les appareils dotés de la plus haute technologie firent leur premier vol le 24 juillet 1974 et selon les estimations, lors de leurs premières années d’opérations, devaient attirer près de 90 000 vols entre les deux villes. Lors de cette journée inaugurale, le nouveau ministre des Transports Jean Marchand voyait là, une nouvelle façon de voyager, rendre l’avion accessible à une certaine classe de gens.
Durant sa période d’essais de 21 mois, la ligne entre l’Adaport Victoria de Montréal et le Rocckcliffe Airport d’Ottawa aura transporté 160 000 passagers et capturant 3% de part de marché des 2.1 millions de déplacements estimés entre Montréal et Ottawa soit en auto, en trains, en bus ou en avions conventionnels.
Un peu plus de la moitié de ces voyageurs ont effectué un retour durant la même journée. Le projet fut annulé malgré les résultats positifs, mais ayant de grands problèmes financiers et suite à certaines démocratisations de l’aviation qui verra son apogée à la fin des années 70 en plus de quelques détails interdisant la licence à un opérateur unique.
En 1985, avec l’aéroport toujours à cet endroit, mais inutilisé, une compagnie au nom de City Express revint au galop avec le concept de Stolport en partant de l’Aéroport Billy Bishop de Toronto eu le O.K du gouvernement du Canada et de l’autorité du Port de Montréal, alors propriétaire du terrain ou se trouvait le Stolport Victoria, mais arrêtèrent leur choix sur l’aéroport de Dorval. City Express plia baguage en 1991. De nous jours la compagnie Porter offre plus ou moins le même concept où City Express l’a laissé, et ce, avec un certain succès faut-il ajouter.
En 1989, la ville fait l’acquisition pour 1 000 001$ d’un peu plus du tiers du terrain, pour créer le Technoparc de Montréal aujourd’hui appelé le PEPSC (Le parc d’Entreprises de la Pointe-St-Charles). Le reste du terrain appartenant au CN et à la société des Ponts fédéraux.
Le Victoria Stolport devient alors de l’histoire ancienne, souvent oubliée ou complètement inconnue par les dizaines de milliers d’automobilistes qui empruntent les voies de l’autoroute Bonaventure ou du pont Victoria chaque jour.
L’Adaport Victoria n’aurait jamais pu être de niveau international comme Dorval est aujourd’hui, mais le succès de l’Aéroport Billy-Bishop de Toronto pousse à se demander si le service centre-ville à centre-ville n’aurait pas un peu de positif pour les voyageurs locaux.