Les coups de canons annoncent l’arrivée du Prince, qui, avec sa suite, grimpant les marches de la plateforme pour s’incliner modestement à la foule immense qui l’acclamait vigoureusement. Il ne fut là que quelques minutes lorsque Joshua Hodges, ingénieur en chef de la construction, lui remit une truelle d’argent et lui demanda de procéder à l’inauguration. Avec un regard interrogateur, le Prince rempli sa truelle de mortier à partir d’un seau à proximité et très soigneusement et consciencieusement se mit à étendre le long de l’espace et avec un regard intéressé, vu l’abaissement en place de l’immense pierre. Ceci étant fait, il emprunta de la main d’un préposé, un maillet de bois, qui pour la foule avait l’air d’un meilleur outil et frappa trois coups consécutifs sur le bloc de granit et la cérémonie pris fin. Sans parole, sans cavalerie sans coup de canon et aucun affichage de tout genre, il me semble que cette cérémonie qui a officiellement conclu un des plus beaux monuments de compétence en science mécanique et d’ingénierie disponible sur la planète était loin d’être solennelle et imposante tel que cela aurait dû l’être. Anxieux et voulant donner à Albert Edward tout le crédit qui lui revient, je suis contraint de dire que, étant donné l’ampleur de l’occasion, les procédures ont été beaucoup trop brève, trop peu impressionnante et très très loin de ce que l’importance de cette entreprise méritait.
Ce paragraphe traduit de l’immense article paru dans le New-York Time le 27 août 1860 présente la courte cérémonie d’inauguration du Pont alors nommé Victoria par le Prince de Galles, Albert Edward qui fut envoyé par sa mère, la Reine Victoria elle-même qui refusa l’invitation. Le Prince devint plus tard Roi d’Angleterre de 1901 à 1910 sous le nom d’Edward VII.
Alors un pont tubulaire, à son ouverture en 1859 le Pont Victoria était le plus long pont du monde avec 2km environ. Financé par la Grand Trunk Railroad et construit en Angleterre, le pont devient le premier lien permanent entre l’île et la terre ferme, si nous ne comptons pas le petit pont de bois qui traverse vers l’île Jésus à la hauteur de Cartierville dans le nord de la ville, pont que nous parlerons plus tard et aujourd’hui connu sous le nom de Pont Lachapelle.
Exclusivement pour le train jusqu’en 1898 quand le tube fut remplacé, sans être fermé à la circulation ferroviaire, par le pont à charpente d’acier que nous connaissons encore aujourd’hui. Le pont fut alors rebaptisé Pont Victoria Jubilee Bridge pour finalement revenir à Pont Victoria en 1978 par la commission de toponymie du Québec. Lors de la construction de la voie maritime, le pont vît une nouvelle section vers St-Lambert s’ajouter à ce qui était déjà présent. Fait à noter que presque 153 ans plus tard les piliers sont plus ou moins restés inchangés depuis sa construction originale.
Aujourd’hui, le pont est opéré et entretenu par le C.N. et est utilisé par ces trains de marchandise mais également par Via Rail et Amtrak pour les passagers. Sur les voies routières de chaque côté du chemin de fer à sens unique deux fois par jour, l’achalandage est estimé à près de 9000 véhicules aux heures de pointe.
Le 22 août 1920, un feu ferme le pont à la circulation routière pour une période de presque huit jours, huit jours de calvaire où les files interminables au traversier naval de Longueuil poussa les autorités de la période à penser sérieusement à un nouveau lien traversant le fleuve vers la rive-sud de Montréal. En 1924 les fonds nécessaires à la construction d’un nouveau pont sont libérés.
Prochain arrêt, le Pont Jacques-Cartier.