C’est en 1881, lors de la première convention des Acadiens tenue à Memramcook au Nouveau-Brunswick que la décision a été prise d’adopter une fête nationale afin de reconnaître le caractère distinct de l’Acadie. Le 15 août est la fête des Acadiens et des Acadiennes et alors que le drapeau étoilé bleu-blanc-rouge vole fièrement ces jours-ci, nous prenons cette occasion pour vous présenter quelques odonymes acadiens qui se retrouvent les rues de Montréal.
Florentin Giovannio da Verrazzano (1485?-1528) explore la côte est de l’Amérique du Nord en 1524, il baptise du nom d’Arcadie la région du Maryland et de la Virginie qui fait allusion à un territoire montagneux de Grèce qui lui-même, tire son nom de Arcas, fils de Callisto et Zeus.
Le nom fera son chemin vers le nord et en 1604, Samuel de Champlain (oui, le Samuel de Champlain) en visite au nom de la France, fait sauter le R et renomme la région de la péninsule de la Nouvelle-Écosse. De nos jours, l’Acadie est plus ou moins les régions du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard qu’habitent les descendants des habitants de l’ancienne Acadie française.
Un boulevard bien connu et une rue dans l’ouest de l’île. Une station de métro, une place publique et même une circonscription électorale. Voilà ce qui rappelle la mémoire du peuple acadien. Mais qu’en est-il des personnalités ou des mémoires encore présents dans nos rues? Si nous ne pouvons pas tous les énumérer, en voici quelques-uns des plus intéressants.
Louis Hébert
«Connais-tu Louis Hébert? Pionnier-apothicaire, Qu’y’a de ça quat’cent ans labourait l’Cap Diamant, sans chevaux, ni charrue, tout ça au temps du scorbut, plantant les premiers jalons
d’une nouvelle nation.» Voilà comment débute la chanson Louis Hébert des Cowboys Fringants
Le pharmacien s’établit finalement dans la Nouvelle-France, dans la région de Québec, en 1617 après quelques essais infructueux en Acadie. En 1606, il accompagnera Champlain à Port-Royal en Acadie où il y habitera de 1610 à 1613 où il soigne Européen et Autochtones.
C’est Hébert qui introduira la culture de plantes d’Europe et de Chine dans le Nouveau Monde, notamment le pommier qui fut d’abord planté en Acadie. En 1627, il meurt banalement des suites d’une chute sur la glace. Avant de me le rappeler, il est plus connu pour sa participation dans la création de Québec et nous savons qu’il n’est pas un Acadien, mais étant un des premiers colons ayant foulé les terres acadiennes, je croyais que son histoire avait sa place ici.
À Montréal, les toponymes sur l’apothicaire sont l’avenue Louis-Hébert dans Rosemont, une rue dans LaSalle et un parc dans Ahuntsic. Parce que derrière chaque grand homme, il y a une femme qui doit l’endurer, la rue Marie-Rollet dans LaSalle, une école et un CHSLD dans Rosemont rappellent l’histoire de son épouse et mère de trois enfants. Rollet se consacrera aux soins des malades et à l’instruction des jeunes autochtones.
Port-Royal, Acadie
Fondée en 1605, par Pierre Du Gua de Monts et Samuel de Champlain, la ville de Port-Royal est le plus ancien établissement français au pays. Considérée comme la capitale de l’Acadie jusqu’à la capture par les anglais en octobre 1710 qui renommeront le village, Annapolis-Royal.
En 1755, c’est plus ou moins 1 800 Acadiens qui seront déportés par les britanniques vers le Massachusetts, leurs maisons seront pillées et incendiées. De nos jours, un parc historique national et quelques vestiges rappellent la présence des Français.
Depuis 1912, une petite rue industrielle du quartier Ahuntsic porte le nom de Rue du Port-Royal.
Louisbourg, Acadie
En 1912, pendant que l’on nomme la rue du Port-Royal, on renomme également la rue Jeanne pour la rue de Louisbourg dans Cartierville, autre ville importante de l’Acadie. Village de la Nouvelle-France situé sur l’île du Cap-Breton à Terre-Neuve. De 1720 à 1763,
Louisbourg est un port et une ville fortifiée qui jouera un grand rôle pour les anglais suite au Traité d’Utrecht de 1713. La forteresse devait assurer la protection de l’île Royale et de l’île Saint-Jean (l’île du Prince-Édouard) et garder l’entrée du golfe du Saint-Laurent.
Rue Lescarbot
Marc Lescarbot (1570-1641) avocat et auteur ira à Port-Royal en 1606 pour une courte période de temps. Impressionné par ce qu’il rencontre durant son séjour, il entreprend dès son retour en Picardie la rédaction d’une Histoire de la Nouvelle-France qui verra trois éditions de son vivant.
Chaque édition de cette histoire comprend tout particulièrement le Théâtre de Neptune, une pièce composée et jouée en 1606 pour célébrer le retour de Jean de Biencourt de Poutrincourt, Cette pièce fut sans doute une des premières représentations théâtrales en Amérique du Nord.
Poutrincourt
Tant qu’à le nommer, cette rue à Ahuntsic, rappelle le souvenir de Jean de Biencourt, de Poutrincourt et de Saint-Just (1557-1615). Pierre Du Gua de Monts lui accorde la concession de Port-Royal en 1605, ce qui fait de lui le premier seigneur connu de la Nouvelle-France et malheureusement, pas un des meilleurs.
Après avoir quitté en 1606, il reviendra quelques années plus tard avec son fils Charles à qui il laissera la garde de la ville pendant un de ses voyages en France où il sera tout bonnement emprisonné suite à des dettes impayées.
À son retour en 1614, il trouvera un Port-Royal pillé par les anglais. Ruiné, Poutrincourt ne peut que rentrer en France avec la plupart des colons. Il peut aussi emporter assez de fourrures pour payer le coût du voyage. Il cédera à son fils la propriété de toutes ses terres d’Amérique.
Et son fils? La rue Biencourt à Ville-Émard dans le Sud-Ouest rappelle Charles de Biencourt de saint-just. Il sera nommé officiellement gouverneur de l’Acadie de 1615 jusqu’à sa mort en 1623.
Fort Beauséjour
Un dernier, Beauséjour est le nom d’un fort que les Français ont construit en 1750 sur des terres nommées Pointe à Beauséjour, appartenant à Laurent Chatillon à la limite actuelle du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Comme vous pouvez le deviner, cette forteresse avait comme fonction d’assurer une protection des anglais.
Le capitaine du fort capitula devant le général Robert Monckton en 1755 et les Acadiens de cette région sont les premières victimes de la déportation. Rebaptisé Fort Cumberland, il est aujourd’hui un site historique rappelant la capitulation des Français.
D’ailleurs, ne trouvez-vous pas bizarre que la ville de Moncton, ayant une grande concentration d’Acadiens soit nommée en honneur du général, un des principaux acteurs dans la déportation de la population française des maritimes?
Bonne fête des Acadiens.
Il est certain que je ne peux pas tout nommer, La Commission de toponymie du Québec compte une trentaine d’odonymes acadiens à Montréal. Par exemple, Iberville rappelant Pierre LeMoyne d’Iberville serait digne d’un texte à lui seul. Si celui-ci est Montréalais de naissance, la fondation de la Louisiane lui confère par défaut le titre d’acadien.
Aujourd’hui sans frontières officielles et sans capitale, la fête du 15 août nous rappelle la ténacité et la résilience que peut avoir un peuple déraciné de ses terres d’abord française et nord-américaine ensuite. Malgré qu’ils étaient des étrangers, les Acadiens avaient, pour la plupart, une bonne relation avec les premières nations d’Amérique. Je ne vais pas dire que les anglais ont tout gâché, mais ce n’est pas le boulevard de l’Acadie que la ville vient de renommer en rue Atateken.
Je tiens donc à leur souhaiter, peu importe où ils se trouvent en Amérique du nord une joyeuse Fête Nationale des Acadiens et des Acadiennes.
La toponymie de Montréal est un de nos sujets chouchous, saviez-vous que nous avions déjà fait une liste des amérindianymes montréalais? Je vous invite à le lire et peut-être devrions-nous y faire une mise à jour!
Quelques sources:
- Présence acadienne dans la toponymie du Québec, 2004
- Les rues de Montréal : Répertoire Historique, 1995