La Ville de Montréal, suite aux défusions de 2006, s’est ramassée avec 19 arrondissements, quelques-uns qu’elle voulait et probablement d’autres qu’elle aurait pu sûrement se passer. Ceci étant dit, depuis bientôt dix ans, nous avons presque appris à vivre ensemble. Admettons tout de même que le citoyen moyen de Roxboro n’est pas tout à fait le même que celui d’Hochelaga, et que dans le même arrondissement les choses peuvent se compliquer, regardez Verdun où les résidents de L’Île-des-Soeurs ne vivent pas le même quotidien que les habitants « de la terre ferme ». Pour en connaître un peu plus sur nos voisins, je vous présente un cours rapide de toponymie sur les noms des arrondissements qui structurent la plus grande ville du Québec.
Ahuntsic-Cartierville.
Ahuntsic était le nom Iroquois d’un jeune français qui s’est noyé avec le Père Récolet, Nicolas Viel. Considérés comme martyrs de la Nouvelle-France puisque la légende veut qu’ils aient été tués par des Amérindiens qui les accompagnaient. L’incident se produisit aux bords des rapides qui se situaient autrefois où se retrouve le quartier du Sault-au-Récollet aujourd’hui.
Cartierville fondé en 1906 quand une partie au nord du territoire de la paroisse de Saint-Laurent acquiert le statut de village et est renommé en honneur de l’homme politique Georges Étienne-Cartier. Patriotes, premier ministre du Canada-Est au sein du Canada-Uni et un membre fondateur de la Société-St-Jean-Baptiste. Quelques sources mentionnent Jacques Cartier comme inspiration pour le nom, ce n’est tout simplement pas le cas.
Anjou.
Le 23 février 1956, le territoire de Saint-Léonard-du-Port-Maurice se sépare de la paroisse de Longue-Pointe pour ainsi créer ce qui deviendra la ville d’Anjou. Appellation tirée d’une région française anciennement appelée l’Anjou, le nom se veut un dérivé phonétique du nom de sa capitale qu’est Angers. Il y a deux rues Angers à Montréal, mais aucune à Anjou.
Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.
Sentier séparant les deux massifs du mont Royal, le chemin de la Côte-des-Neiges fait partie d’un ensemble de routes établies par les Sulpiciens dans le but d’organiser le développement du territoire, le chemin menait vers le village de Notre-Dame-des-Neiges et cette désignation est en honneur de l’Abbaye Notre-Dame-des-Neiges située en Ardèche dans le sud-est de la France et n’a rien à voir avec la température locale montréalaise huit mois par année.
Créée du détachement du territoire du village de Côte-Saint-Antoine en 1876, la nouvelle municipalité de Notre-Dame-de-Grâce est nommée en honneur de la paroisse catholique du même nom. La paroisse elle porte ce nom de la dévotion à Marie, mère de la Grâce et du p’tit Jésus.
Île-Bizard-Sainte-Geneviève.
En 1678, Louis de Buade de Frontenac, Gouverneur de la Nouvelle-France concède au militaire suisse, Jacques Bizard, la seigneurie de l’île Bonaventure, une île importante de l’archipel qu’il renomme en son nom, Île Bizard, à l’ouest de Montréal dans le Lac des Deux-Montagnes. Il faut tout de même attendre le 18e siècle avant de voir les premiers habitants s’y installer.
La Paroisse de Sainte-Geneviève sous la fondation du Père Sulpicien, Antoine Faucon est nommé municipalité en 1859. Le village porte le nom de Sainte-Geneviève, née en 423, qui devient une personnalité importante de Paris se démarquant durant les sièges de Paris de 451 et de 465 et fait bâtir des églises aux noms de Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Denis.
Lachine.
La halte maritime créée au Sault-Saint-Louis est d’abord appelée Saint-Sulpice est une partie du domaine concédé à Robert René Cavalier de La Salle. Ce dernier voulant trouver la route vers la Chine comme Cartier avant lui, Saint-Sulpice, par dérision envers l’explorateur, est alors rebaptisé Lachine et le nom fut officialisé avec la fondation de la paroisse Saints-Anges-de-Lachine.
Lasalle.
Voir Lachine.
Non, non, sérieusement Lachine, après avoir perdu le territoire de Dorval en 1892 est une fois de plus scindé en 1912 et la municipalité de LaSalle est alors créée. Lors de son incorporation, le territoire prit le nom du premier seigneur de l’endroit, l’explorateur Robert René Cavelier de La Salle.
Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.
Tout comme le pont et la ville de la rive sud, le quartier de Mercier est nommé en estime à Honoré Mercier, premier ministre du Québec de 1887 à 1891. En 1910, les villages de Longue-Pointe, Beaurivage et Tétreauville sont annexés à Montréal sous le nom de Longue-Pointe. En 1915, le nom est officiellement changé pour Mercier.
Le village Iroquoien que découvre Jacques Cartier en 1535 s’appelle Hochelaga, un terme qui serait une variante du mot Osheaga qui veut dire « gros rapides ».
Joseph Barsalou et Alphonse Desjardins, possèdent des terres dans la municipalité de Hochelaga et ne sont pas trop chauds à l’idée de l’annexion de cette dernière en 1883 à la ville de Montréal. Ils échappent alors à la fusion forcée et fondent leur propre ville Maisonneuve, en honneur de Paul de Chomedey de Maisonneuve, cofondateur de Montréal.
Montréal-Nord.
Pas grand-chose à dire ici malheureusement. En décembre 1915, le quartier de Bas-du-Sault se sépare du Sault-au-Récollet pour devenir la ville de Montréal-Nord. Le nom très bureaucratique est suggéré par Joseph Armand Cadieux, alors trésorier du quartier.
Outremont.
Comme Côte-des-Neiges, le village de Côte-Sainte-Catherine est fondé sur la route du même nom tiré de l’ensemble de chemins établis par les Sulpiciens dans le but d’organiser le développement du territoire. Ce nom vient de sa situation géographique en rapport à celle du « centre-ville » et dans la langue populaire, quand on devait se rendre dans l’ombre du Mont-Royal, on devait passer au-delà du mont ou outre le mont. Le nom de Outremont est alors resté.
Pierrefonds-Roxboro.
Joseph-Adolphe Chauret se fait construire un manoir de type seigneurial dans le village de Sainte-Geneviève qu’il nomme Château Pierrefonds inspiré par du Château de Pierrefonds dans la L’Oise française. Il y a fusion et défusion de villages et c’est en 1958 que la ville de Pierrefonds devient officielle.
Le nom de Roxboro tient d’une ferme qui était sur ces terres lors de la création de la municipalité en 1914. Le nom de la ferme viendrait de la mine de calcaire qui se trouvait dans cette région et le nom serait une déformation linguistique de « Rocks Borough » ou arrondissement de pierres
Plateau-Mont-Royal.
Ce serait tout simplement la situation topographique du quartier, sur le plateau créé par le Mont-Royal au nord de la rue Sherbrooke. Ironiquement, l’arrondissement le plus créatif de la ville a probablement le nom le plus ennuyant. Tellement hipster!
Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.
Pas très compliqué une fois de plus, le nom de ce quartier vient de la désignation de la rivière qui passe entre l’île Jésus et l’île de Montréal. Il y a par contre trois raisons divergentes au nom de la Rivière des Prairies elle-même. Un cartographe la nomme ainsi en 1632 à cause de la grande quantité d’îles plates qui s’y trouve. Les jésuites la nomment ainsi pour honorer un dénommé Des Prairies, propriétaire de barques qui s’y noya en 1637 et finalement en 1610, Champlain relate l’histoire d’un trafiquant de fourrures qui s’appelait Des Prairies de Saint-Malo à ses côtés durant sa bataille avec les Iroquois.
Le nom de l’arrondissement vient d’un des premiers villages de colons sur l’île de Montréal. Le village autour du fort de la Pointe-aux-Trembles construit en 1670 qui servait à défendre Ville-Marie était situé à l’extrémité de l’île, dans une région relativement boisée surtout de trembles, un arbre de la famille des peupliers.
Rosemont-Petite-Patrie
Autour des usines Angus, un syndicat dirigé par un certain Dandurand est responsable d’acheter les terrains environnants dans le village de Petite-Côte. Le syndicat demande l’incorporation de la municipalité ainsi acquise et le nom choisi est Rosemont en honneur de la mère de M. Dandurand, Rose Philips.
Originalement un quartier populaire fictif à Montréal dans le roman de Claude Jasmin « La Petite-Patrie » publié en 1972 et ensuite adapté en téléroman du même nom ou la famille habitait le 7068 St-Denis, le nom resta dans l’imaginaire et le quartier acquis plus ou moins officiellement ce nom au début des années 1980.
Saint-Laurent.
Le plus grand arrondissement de la ville est nommé à cause des chemins des Sulpiciens déjà mentionnés. La Côte Saint-Laurent tout comme le Fleuve tant qu’à y être sont dénommés en honneur de Laurent de Rome, né vers 210 en Espagne, Un martyr chrétien attaché à un grill et brûlé à l’aide de charbon ardent. Cartier aurait nommé le fleuve en son nom le 10 août, journée de la Saint-Laurent.
Saint-Léonard.
Vous allez voir un lien ici avec d’autres arrondissements. La Côte Saint-Léonard, nommé par qui d’autre que les Sulpiciens, en honneur de Saint-Léonard du Port Maurice. Religieux franciscain canonisé en 1869 par le Pape Pie IX. Une autre raison est aussi mentionnée dans plusieurs sources. Le village porterait le nom en honneur de père sulpicien missionnaire né en 1663 et ancien seigneur de l’île. Par contre, l’ancien nom officiel de la ville appelé Saint-Léonard-du-Port-Maurice pointe plus vers l’histoire du franciscain.
Le Sud Ouest.
Pas trop compliqué ici non plus, l’arrondissement comptant les quartiers Griffintown, St-Henri, Ville-Émard, Petite Bourgogne, Côte-Saint-Paul et Pointe-Saint-Charles est situé dans le sud-ouest de l’île. Je m’excuse, je ne peux pas être plus original que ça.
Verdun.
Militaire du Canada français avec Lambert Closse, Zacharie Dupuis se voit offrir un fief délimité par la Rivière Saint-Pierre dans les environ du Sault Saint-Louis. Il baptise alors sa nouvelle concession Verdun en honneur de son lieu de naissance, Saverdun, dans l’Ariège, un département situé au sud de la France.
Ville-Marie.
La ville fondée par Maisonneuve et sa bande en 1642 au nom de la Société Notre-Dame est consacrée à la Vierge Marie et est nommée Ville-Marie. Montréal est le nom donné à l’île et ce nom devient à mesure que la population augmente le nom d’usage jusqu’au 17e siècle ou le nom de Montréal est officialisé.
Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.
Détaché du Sault-au-Récollet en 1896, le village de Villeray est nommé en mémoire à Louis Rouer de Villeray, membre du conseil souverain de la Nouvelle-France en 1663 et contrôleur de la Compagnie du Canada, en 1685.
Nous devons le nom de Saint-Michel à nos amis les Sulpiciens et leurs chemins encore une fois. La Montée St-Michel, aujourd’hui le Boulevard du même nom croisait la Côte Saint-Michel, l’actuel Boulevard Crémazie et tous ces Saint-Michel sont en honneur de l’Archange Michel, personnage qui apparaît dans plusieurs religions, dont dans la bible chrétienne des sulpiciens.
Au moment de son annexion à Montréal en 1910, le territoire appartient à la « Park Realty Company of Montreal ltd » et le nom de Park Extension attribué par le promoteur est déjà utilisé dans le langage populaire. Ce secteur est situé dans le prolongement de l’Avenue Parc ou en anglais « Park Avenue extension »
Les sources de ces explications se retrouvent dans le site de Toponymie Montréal, de la Commission de la Toponymie du Québec, du site officiel de chacun des arrondissements ou bien à l’aide de quelques livres d’histoires. Me suis-je trompé? Peut-être que je ne connaissais pas la légende de l’endroit où vous avez grandi. Plusieurs histoires alternatives ont été dénichées, mais ne pouvant pas en trouver des preuves tangibles, j’ai préféré ne pas les mentionner du tout.
Comme vous avez certainement remarqué, les noms de nos arrondissements sont inscrits dans l’histoire, dans la géographie et même dans la littérature. Je n’ai même pas été en profondeur pour vous expliquer des quartiers comme la Petite Bourgogne, Benny Farm, Victoriatown, Île des Soeurs ou encore Viauville. La toponymie de Montréal est littéralement remplie de petites histoires toutes aussi intéressantes les unes que les autres.