Coin Saint-Denis et Viger.

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Notre première chronique sur la toponymie historique de Montréal sur la Rue Beaubien le mois passé fut, avec surprise, un bon succès. Alors, ce mois-ci nous récidivons avec une autre famille qui suite à leur participation dans l’histoire de Montréal furent honoré dans sa toponymie. Les rues Viger et Saint-Denis sont de ces rues qui sont des incontournables si vous passez au centre-ville. Les deux voies se croisent où sera très bientôt le nouvel hôpital du CHUM. St-Denis, rue commerciale Nord-Sud et Viger Est-Ouest, surtout utilisée aujourd’hui comme voie d’accès à l’Autoroute Ville-Marie. Ces deux rues se croisent donc dans la trame routière de la ville, mais dans l’histoire aussi. Contrairement au cas des Beaubien, nous parlerons ici d’allégeances familiales des Viger-Papineau-Cherrier et une fois de plus, vous reconnaîtrez tout au long de cette histoire des rues de Montréal, mais concentrerons-nous sur les Viger plus spécifiquement.

Commençons par la généalogie du clan en question. Nous nous retrouvons donc en 1729 quand Jacques Viger (2e de ce nom) épouse Marie-Louise Ridday et eurent plusieurs enfants dont certain viendront changer l’histoire de Montréal. Jacques (3e) grand-père du futur premier maire de Montréal, Jacques Viger (5e). Louis Viger qui épousa Agnes Papineau, tante de Louis-Jospeh Papineau et Denis Viger, père de Denis-Benjamin Papineau. C’est sur cette ligné que nous nous attarderons.

Denis Viger, menuisier et exportateur de potasse est né à Montréal en 1741 et devient député de Montréal-Est dans le gouvernement du Bas-Canada. Il épouse Périne-Charles Cherrier et le couple s’installe dans une maison au coin des rues St-Paul et St-Vincent. Viger travailla aura comme client principal l’Hôtel-Dieu de Montréal pour qui il effectua plusieurs travaux de menuiserie et de forge. Vers 1790, il abandonna tranquillement la menuiserie pour exporter de la potasse vers l’Angleterre. Au cours des années, il acquiert plusieurs lots de terre où il aménage même un entrepôt pour le minerai. En 1796, il se lance en politique avec son beau-frère, Joseph Papineau dans la circonscription de Montréal-Est. Denis décéda le 4 juin 1800.

Maison Perrine-Charles-Cherrier
Maison Perrine-Charles-Cherrier

C’est en 1818, Sur les terres appartenant à Papineau et de la veuve de Viger que la ville ouvra la voie qui porte de nos jours le nom de St-Denis. originalement une rue résidentielle, est un lieu important pour l’élite intellectuelle Québécoise. À la fin du XIXe siècle la rue s’étire jusqu’à Sherbrooke, on peut alors y retrouver l’université Laval de Montréal, L’école Polytechnique et la Bibliothèque Saint-Sulpice. Probablement d’où est tiré le nom de Quartier Latin que la rue traverse dans ce coin. Elle sera allongée avec le temps pour atteindre la Rivière-des-Prairies, coupée que par la voie ferrée du CN juste au sud de Sauvé. Fait à noter, la Route 335 du Québec débute sur la rue St-Denis entre Sherbrooke et l’Autoroute Métropolitaine.

Vue de la rue St-Denis vers le nord de l'avenue Viger.
Vue de la rue St-Denis vers le nord de l’avenue Viger.

Aussi en honneur à Denis Viger, le Square Viger d’abord un marché public jusqu’en 1844. La ville acquiert ensuite des terrains de la famille Viger, ainsi que par cessions des familles Guy et Lacroix. L’aménagement débute avec le remplissage de ce terrain marécageux, la plantation d’arbres, le tracé de sentiers et l’installation d’une fontaine. Avant 1851, un marché au foin et une pesée publique sont exploités sur le site, du côté est de la rue Saint-Denis, et une maison est construite pour le gardien, Joseph Robillard; ces bâtiments sont détruits par l’incendie de 1852. Le marché du square Viger est toujours présent mais est déménagé à quelques reprises sur le site, mais toujours vers l’est. Le développement de Montréal pour l’automobile aura raison du Square, lorsqu’on aménage l’autoroute Ville-Marie dans les années 1970, on procède alors à un réaménagement en surface de la place divisée en trois parties par les rues Berri, Saint-Denis et Saint-Hubert. L’aménagement des trois aires est confié à des sculpteurs et complété en 1985.

Gare Viger
Gare Viger

En épousant dans la famille Cherrier, Denis Viger connut une amélioration de sa situation sociale. Son mariage le lia aux grandes familles Papineau, Cherrier et Lartigue ce qui donna l’occasion à son fils, Denis-Benjamin de recevoir une bonne éducation chez les Sulpiciens, d’atteindre le titre d’avocat et de devenir un homme politique important pour le Bas-Canada. Né en 1774 il a une soeur cadette née en 1780 qui malheureusement décède célibataire à l’âge de 40 ans. Jeune avocat idéaliste il épouse en 1808 Marie-Aimable Foretier issue d’une famille à son aise. Leur fille unique mourra à l’âge de 8 mois en 1814. Il hérite de sa mère suite à son décès en 1823 près de 50 hectares de terres dans le Faubourg Saint-Louis et en 1842, son épouse hérite de la Seigneurie de l’île-Bizard dans l’ouest où Denis-Benjamin fera construire un manoir et un moulin ce qui fait de Viger un des propriétaires fonciers les plus importants de Montréal. Viger pourtant très proche des Patriotes, étant même aux côtés de son cousin Jacques Viger lors de la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste devenant son deuxième président de 1835 à 1845. Avec la fortune que ses propriétés lui rapporte, Viger est aussi un bourgeois qui, par ses idées et ses aspirations, tend à se rapprocher de l’aristocratie que pourtant il condamne haut et fort dans ses articles dans le Journal La Gazette de Montréal. Il fut même emprisonné de 1838 à 1840 suite au soulèvement patriote qu’il soutient financièrement, il est accusé de complicité, de sédition et est emprisonné pendant 18 mois. Le reste de sa vie se veut celle d’un politicien de carrière et homme de lettre fonda le journal La Minerve, passant d’un parti politique à l’autre selon ces idéologies, des fois, un sauveur avec une aide financière importante et à d’autres moment, un traître quand il se joint à Metcalfe en 1843. Viger s’éteignit doucement le 13 février 1861, à l’âge de 86 ans et six mois. Il laissait sa fortune à son cousin Côme-Séraphin Cherrier. Le nom de la rue Cherrier honore la mémoire de se dernier.

Denis-Benjamin Viger et son épouse Marie-Amable Foretier
Denis-Benjamin Viger et son épouse Marie-Amable Foretier

Dans la toponymie, Denis-Benjamin est honoré par l’Avenue Viger dans Ville-Marie ainsi qu’une rue et un parc Viger sur l’Île-Bizard dans l’arrondissement de l’Île-Bizard, Pierrefonds, Ste-Geneviève. On oublie trop souvent que Montréal s’étire aussi à une grande partie du « West-Island ». Le premier tronçon de rue ayant cette dénomination est retrouvée en 1905 et depuis, les rues Dubord, Vitré, Latour et Des jurées y ont été annexées. L’avenue s’étire aujourd’hui de De Lorimier à l’est jusqu’au Boulevard Robert-Bourassa à l’Ouest. La petite rue étroite des artistes entre les rues Saint-Vincent et la Place Jacques-Cartier où il est possible de voir des peintres et autres artistes présentant leur oeuvres se nomme en fait la Rue Saint-Amable, dénomination en honneur de l’épouse de Denis-Benjamin, Marie-Amable. Denis-Benjamin a laissé une impression importante dans la politique Québécoise et est régulièrement considéré comme un de nos grands intellectuels. Des rues portant son nom sont visible dans multiple municipalités de la province, incluant Québec où pourtant, il n’avait pas grand ami dénigrant souvent la Vieille Capitale, comme quoi la petite guerre Montréal-Québec ne date pas d’hier.

À tord, beaucoup de Montréalais croient que la rue Viger est en honneur de Jacques Viger, le 5e de son nom fut tout aussi important, premier maire de la ville, membre fondateur avec Ludger Duverney de la Société Saint-Jean-Baptiste, fondateur de la Société Historique de Montréal et dans la toponymie, seules les rues De l’Inspecteur et Mayor sont nommées en son honneur, mais la désignation de la grande rue Viger est pour commémorer la vie de son cousin et non la sienne. La famille Viger a une grande place dans l’histoire du Québec, surtout à la défense de la culture canadienne-française au début du 19e siècle. Les Viger furent une partie importante de la rébellions de 1837. Viger-Papineau et Cherrier sont partout dans la trame de rues de la ville. Dans cet article, nous avons couvert quelques rues et je l’espère, vous avez découvert quelque chose de nouveau sur deux rues parmi les plus utilisées du Centre-Ville de Montréal.

Je suis maintenant ouvert à vos suggestions, quelle(s) rue(s) aimeriez-vous en savoir plus sur son histoire? Sur le pourquoi-du-comment de son nom? Donnez vos suggestions dans les commentaires plus bas.

Avant-Après  de St-Denis vers le nord de la Rue Cherrier
Avant-Après de St-Denis vers le nord de la Rue Cherrier

Commentaires

Martin Bérubé Écrit par :

Amoureux de Montréal, fasciné par l'histoire de la ville, son urbanisme et sa toponymie, ni historien ni spécialiste du sujet, Martin n'était même pas né à l'époque de 99% des sujets discutés de ce site. Il aime trouver des réponses aux questions qui sont posées. Les billets que vous lisez ne sont que les résultats de la quête vers des réponses et le besoin de partager.